Depuis plus de dix ans, les surfaces en cuivre sont étudiées comme un levier possible de réduction des infections associées aux soins. Antimicrobien naturel, le cuivre détruit rapidement un grand nombre de bactéries, mais son intérêt réel en pratique hospitalière reste débattu.
Plusieurs expérimentations françaises et internationales permettent aujourd’hui de dresser un bilan plus nuancé, utile pour les équipes techniques hospitalières.
Rambouillet : le pionnier français
En 2011, le CH de Rambouillet fut le premier hôpital français à équiper son service de réanimation d’éléments en alliage de cuivre (poignées, robinetterie, barres de déambulation, interrupteurs, prises). L’objectif : limiter la transmission croisée de bactéries multi-résistantes (BMR).
Les résultats, suivis entre 2010 et 2013, étaient contrastés :
- Hausse de l’acquisition pour certaines souches (SARM, Enterobacter cloacae BLSE).
- Baisse significative pour Klebsiella pneumoniae BLSE, espèce très liée aux contaminations environnementales.
- Résultats variables pour Escherichia coli BLSE.
Ce retour d’expérience montrait déjà que l’efficacité clinique du cuivre dépend fortement du type de bactérie.
Amiens : comparaison cuivre / inox
Le CHU d’Amiens a choisi une autre approche : comparer le potentiel antimicrobien de poignées en laiton AB+ à celui de poignées inox. Les surfaces en cuivre montraient une contamination réduite, mais sans preuve directe d’impact sur l’acquisition d’infections chez les patients.
Études récentes : où en est-on ?
Plusieurs travaux publiés depuis 2022 apportent de nouvelles données :
- Durabilité du cuivre (Canada, 2023) : sur un an, le cuivre massif conserve son effet antibactérien, alors que les versions spray ou composites perdent rapidement de leur efficacité. → Le choix de l’alliage est donc déterminant.
- Spores de Clostridioides difficile (2024) : des surfaces en cuivre imprégnées éliminent 90 à 98 % des spores en 4 heures, même en présence de matière organique. → Intérêt dans les zones à risque élevé (toilettes, chambres infectieuses).
- Maisons de retraite (France, 2022) : baisse durable de la contamination sur poignées et rampes en cuivre après trois ans, malgré un usage intensif. → Application pertinente aussi dans le médico-social.
- Pédiatrie (2023) : dans une unité de soins intensifs, l’installation partielle d’objets en cuivre a réduit de 19 % le taux d’infections, mais sans atteindre la significativité statistique. → L’efficacité nécessite un déploiement sur un nombre suffisant de surfaces.
- Revue systématique (2022) : environ deux tiers des études montrent une réduction réelle de la contamination des surfaces, mais le lien direct avec la baisse des infections reste encore difficile à démontrer.
Enseignements pour les TSH et ingénieurs hospitaliers
Ces résultats invitent à une approche pragmatique :
- Cibler les surfaces prioritaires : poignées, rampes, barres de lit, tables de soins, interrupteurs.
- Choisir les bons alliages : le cuivre intégral (ou alliages denses) conserve mieux ses propriétés que les revêtements ou composites.
- Maintenir les protocoles de nettoyage : l’efficacité chute en cas de surfaces sales, le cuivre n’étant pas un substitut au bionettoyage.
- Intégrer dans une stratégie globale : hygiène des mains, flux patients, désinfection chimique restent primordiaux.
- Évaluer le rapport coût-bénéfice : le surcoût d’équipement peut être compensé par la prévention d’infections graves, mais il doit être étudié localement.
Conclusion
En 2025, le cuivre reste une piste intéressante pour réduire la charge microbienne dans les hôpitaux et établissements médico-sociaux. Son efficacité dépend du type de surface, de la bactérie ciblée et de l’entretien réalisé. Pour les TSH et ingénieurs hospitaliers, il s’agit moins d’une solution miracle que d’un outil complémentaire, à insérer dans une stratégie d’hygiène et de prévention des infections pensée globalement.