Lorsqu’on évoque les déchets hospitaliers, la plupart des gens – y compris parfois en interne – pensent immédiatement aux DASRI (Déchets d’Activités de Soins à Risques Infectieux).
C’est vrai : ils sont emblématiques, réglementés, visibles. Mais réduire la gestion des déchets à cette seule filière, c’est passer à côté de l’essentiel. Car un hôpital, c’est aussi une petite ville, avec une diversité de flux qui dépasse largement les sacs jaunes.
Une « petite ville » de flux à piloter
Dans nos services techniques, nous sommes aux premières loges pour le constater. Les ordures ménagères (OM), les emballages plastiques et métalliques, les palettes en bois, les déchets verts, les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE), les déchets biomédicaux spécifiques, les déchets industriels banals (DIB), les déchets industriels spéciaux (DIS), sans oublier les déchets chimiques de laboratoire ou encore les médicaments non utilisés (MNU)… La liste est longue, et chaque flux a ses règles, ses contraintes, ses coûts.
Réglementation, oui… mais surtout enjeu économique
L’enjeu n’est pas seulement réglementaire. Certes, chaque filière doit être respectée pour éviter les sanctions et garantir la sécurité. Mais derrière, il y a une logique économique très forte. Car chaque tonne mal orientée peut coûter cher à l’établissement. Jeter dans les DASRI ce qui pourrait aller en DIB, c’est multiplier le coût de traitement par trois ou quatre. Inversement, bien séparer certaines filières permet de réduire la facture globale, voire de générer des recettes.
C’est là que la mise en place d’éco-filières prend tout son sens. Certaines sont aujourd’hui à zéro euro pour l’établissement, parce qu’elles reposent sur la valorisation directe avec valorisation financière : le bois des palettes, par exemple, peut être repris gratuitement par des prestataires qui les réparent et les réinjectent dans le circuit logistique. Les métaux issus des chantiers ou des ateliers trouvent preneur avec des marchés de rachats, et leur revente permet de réinjecter quelques milliers d’euros par an dans le budget technique. Même chose pour les papiers, cartons, films plastiques ou radiographies médicales : triés correctement, ils passent du statut de déchets coûteux à celui de ressources revendues.
Exemple concret : 35 % d’OM en moins
Un exemple concret : dans un établissement de taille moyenne, la mise en place d’une collecte séparée des bio-déchets, des cartons et du plastique des livraisons a permis non seulement de libérer de la place dans les locaux poubelles, mais aussi de réduire de 35 % le tonnage d’OM envoyé à l’incinération. Résultat : plusieurs dizaines de milliers d’euros économisés sur une année.
Bien sûr, la diversité des flux rend la gestion complexe. Chaque filière demande son prestataire, ses contenants spécifiques, ses règles de collecte et de stockage. Les services techniques deviennent parfois des “chefs d’orchestre du déchet”, devant organiser les circuits internes, sensibiliser les services utilisateurs, et veiller à ce que rien ne dérape. Un bac de produits chimiques stocké au mauvais endroit, et c’est toute une zone qui devient non conforme.
Le tri à la source : formation et sensibilisation
La formation et la sensibilisation des agents sont donc des leviers essentiels. Car on le sait bien : le meilleur tri ne se fait pas dans les locaux techniques, mais là où le déchet est produit. Convaincre les soignants, les agents hôteliers, les laboratoires ou les services administratifs de faire le bon geste, ce n’est pas une mince affaire. Les campagnes d’information doivent être claires, pratiques, et adaptées à chaque métier. Rien de pire que des consignes trop complexes qui finissent par décourager tout le monde.
Autre point sensible : la logistique interne. Les chariots, bennes et contenants doivent circuler dans les bonnes conditions, en respectant les règles d’hygiène et de sécurité. Trop souvent, les circuits déchets sont sous-dimensionnés, avec des locaux exigus et des zones de stockage saturées. Les projets immobiliers doivent intégrer cette réalité : penser la filière déchet dès la conception, c’est éviter des années de bricolage et de non-conformités.
Évolution des règles et éco-organismes : une veille utile
La réglementation, elle, continue d’évoluer. Les éco-organismes se multiplient, avec leurs cahiers des charges spécifiques. Pour les cadres techniques, cela signifie une veille permanente, mais aussi des opportunités. Car plus les filières s’organisent, plus il est possible de réduire les coûts. Dans certains cas, la mise à disposition de contenants ou de collectes est intégralement prise en charge par l’éco-organisme. À condition, bien sûr, d’être rigoureux dans le tri.
Enfin, il faut accepter une évidence : la gestion des déchets hospitaliers n’est pas seulement une affaire de conformité ou d’économie. C’est aussi une question d’image et de responsabilité environnementale. Les patients, les familles, les agents eux-mêmes sont de plus en plus sensibles à ces sujets. Montrer qu’un hôpital trie, recycle, valorise, c’est renforcer la confiance et donner du sens à l’action publique : une vrai démarche RSE !.
En résumé, la gestion des déchets hospitaliers est une mosaïque de filières qu’il faut savoir coordonner. Derrière les contraintes, il y a de vraies marges de manœuvre pour optimiser les coûts et valoriser des ressources. Le rôle des cadres techniques est central : ce sont eux qui transforment le déchet en opportunité, qui structurent les circuits, et qui démontrent qu’un hôpital peut être à la fois performant, conforme et responsable.